Mai 1949, la revue « Les Temps Modernes » publie les premiers extraits du « Deuxième Sexe », essai de 1000 pages consacré à la condition féminine que Simone de Beauvoir décide de publier intégralement. Une violente polémique s’en suit qui s’amplifie avec la parution le 24 mai 1949 du 1er tome « les faits et les mythes » et du 2 ième tome, le 24 octobre 1949, « l’expérience vécue ».
Elle y traite successivement l’aspect anthropologique et encyclopédique de la condition féminine, dans une perspective « existentialiste », puis elle décline une dimension plus concrète, plus intime, qu’elle inscrit dans une perspective optimiste de libération de la femme.
Simone de Beauvoir se range résolument parmi les femmes « qui n’ont jamais eu à éprouver leur féminité comme on gère un obstacle » et c’est de cette liberté là qu’elle s’exprime avec autant de détermination et de vérité.
Le livre connaît immédiatement un important succès de librairie, 22 000 ex. sont vendus dés la première semaine de parution. Le retentissement est énorme en France, et connaît rapidement un succès identique aux USA, lequel inspire l’action de nombreuses féministes qui trouvent dans cet essai l’architecture intellectuelle à leur combat.
Elle écrit « ce n’est pas l’infériorité des femmes qui a déterminé leur insignifiance historique, c’est leur insignifiance historique qui les a vouées à l’infériorité ».
L’ouvrage déclenche en France une polémique violente, agressive et parfois insultante autour de la personne de Simone de Beauvoir.
C’est sur ce qu’il faut bien malheureusement considérer comme un arrière fond de patriarcat finissant que le livre résonne, ceci dans un contexte de sexualité brimée, de statut misérable fait à la célibataire, pitoyable à la femme stérile, infâme à la lesbienne. De fait, elle heurte de plein fouet le statut de la maternité qui s’impose aux femmes physiologiquement et socialement comme un destin inéluctable.
François Mauriac ouvre le feu dés la parution des premiers extraits, il taxe Simone de Beauvoir de pornographe : « Nous avons littérairement atteint les limites de l’abject … voilà, peut être le moment de la dernière nausée, celle qui délivre ». Il écrit à l’un des collaborateurs de la revue Les temps Modernes « j’ai tout appris sur le vagin de votre patronne ». Puis il lance un appel à la jeunesse afin de s’engager résolument dans un « pieux » combat contre la pornographie et plus particulièrement celle des USA ».
Face à une telle entreprise de démolition, lancée depuis la proue d’un si grand écrivain ils sont peu nombreux à prendre sa défense : Francis Jeanson, Emmanuel Mounier, Jean Marie Domenach en sont, ce dernier réplique à Mauriac dans la revue Esprit : « Mme Simone de Beauvoir a donné avec ses courageux articles dans les Temps Modernes un cours de sexualité normale ». Puis il attaque directement François Mauriac dont il dit « que la fureur n’est due que par la mystification opérée par Simone de Beauvoir dans les régions souterraines de la sexualité où les romanciers s’approvisionnent ».
Les défenseurs ne sont pas légions, les insultes et qualificatifs les plus invraisemblables volent très bas : insatisfaite, glacée, nymphomane, lesbienne, cent fois avortée etc…
Pierre de Boisdeffre et Roger Nimier, dans la revue « Liberté de l’esprit » la traite de « pauvre fille, névrosée, refoulée, frustrée, une virago, mal baisée etc… »
Sur un ton moins insultant, Jean Guitton écrit tout de même avec une grande compassion chrétienne « qu’il a été péniblement affecté par le Deuxième Sexe, parce qu’il y déchiffre en filigrane sa triste vie ».
En fait on lui dénie surtout tout droit de parole au nom des femmes, parce que femme célibataire et sans enfant. Le thème de l’humiliation et de la frustration est récurrent. Armand Hoog écrit « humiliée d’être femme, douloureusement consciente d’être enfermée dans le regard des hommes dans sa condition, elle refuse à la fois ce regard et cette condition ».
La droite déteste ouvertement le livre et injurie l’auteur. Mais la gauche n’est pas en reste et ne la soutient pas. Jusqu’à Camus qui l’accuse d’avoir ridiculisé « le mâle français », lui qui ne concède à la femme que l’égalité dans la différence.
De même l’extrême gauche, dans les Lettres Française stigmatise l’ouvrage en insistant sur le fait que le Deuxième sexe fera bien rigoler les ouvrières de Boulogne-Billancourt ». Colette Audry sera la seule à répondre à cet article dans le journal Combat : « c’est estimer bien peu les ouvrières de Billancourt que d’écrire cela … » ripostera-t-elle sèchement.
Pour les maoïstes dit « non stalinien » le problème de la femme ne se posera plus une fois la Révolution accomplie, et ainsi tout est dit, les « digressions » de la citoyenne Beauvoir sont sans intérêt !
Le soutien le plus total et la réplique la plus claire vient du journal Paris Match qui lui consacre sept pages agrémentées de photos.
« une femme appelle les femmes à la liberté. Simone de Beauvoir, lieutenant de Jean–Paul Sartre et experte en existentialisme, est sans doute la première femme philosophe apparue dans l’histoire des hommes. Elle pose aux lectrices les problèmes qui caractérisent l’inquiétude de la femme moderne : la liberté de vivre, l’avortement, la prostitution, l’égalité des sexes, le mariage et le divorce, l’accouchement sans douleur … »
Paris Match conclut en martelant : « l’accession à l’égalité politique acquise depuis quatre ans justifie que soient traitées en termes modernes par une jeune philosophe froide et lucide l’éternelle question féminine. Elle veut changer le sort de la femme. »
Il est vrai que Simone de Beauvoir, dans un parallèle étonnant avec le Discours de la Méthode de René Descartes, propose une remise en question systématique de toutes les idées reçues sur la condition féminine.
Elle résume en quelques mots le sens de sa démarche : « je n’ai jamais nourri l’illusion de transformer la condition féminine, elle dépend de l’avenir du travail dans le monde, elle ne changera sérieusement qu’au prix d’un bouleversement de la production … du moins ai-je aidé mes contemporaines à prendre conscience d’elle-même et de leur situation ».
La parution du deuxième Sexe » en 1949 s’inscrit dans le même mouvement qui en 1907 par la loi autorise la femme mariée à disposer de son salaire, ce qui n’était pas le cas auparavant, puis en 1924 unifie les programmes du bac masculin et féminin, en 1946 reconnaît le droit de vote et d’éligibilité des femmes, il inscrit en 1941 le principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans la constitution de la IV ieme République. Hommage tardif fait à Olympe de Gouges qui voulut en 1789 la déclaration des Droits de la femme et mourut guillotinée.
Elle y traite successivement l’aspect anthropologique et encyclopédique de la condition féminine, dans une perspective « existentialiste », puis elle décline une dimension plus concrète, plus intime, qu’elle inscrit dans une perspective optimiste de libération de la femme.
Simone de Beauvoir se range résolument parmi les femmes « qui n’ont jamais eu à éprouver leur féminité comme on gère un obstacle » et c’est de cette liberté là qu’elle s’exprime avec autant de détermination et de vérité.
Le livre connaît immédiatement un important succès de librairie, 22 000 ex. sont vendus dés la première semaine de parution. Le retentissement est énorme en France, et connaît rapidement un succès identique aux USA, lequel inspire l’action de nombreuses féministes qui trouvent dans cet essai l’architecture intellectuelle à leur combat.
Elle écrit « ce n’est pas l’infériorité des femmes qui a déterminé leur insignifiance historique, c’est leur insignifiance historique qui les a vouées à l’infériorité ».
L’ouvrage déclenche en France une polémique violente, agressive et parfois insultante autour de la personne de Simone de Beauvoir.
C’est sur ce qu’il faut bien malheureusement considérer comme un arrière fond de patriarcat finissant que le livre résonne, ceci dans un contexte de sexualité brimée, de statut misérable fait à la célibataire, pitoyable à la femme stérile, infâme à la lesbienne. De fait, elle heurte de plein fouet le statut de la maternité qui s’impose aux femmes physiologiquement et socialement comme un destin inéluctable.
François Mauriac ouvre le feu dés la parution des premiers extraits, il taxe Simone de Beauvoir de pornographe : « Nous avons littérairement atteint les limites de l’abject … voilà, peut être le moment de la dernière nausée, celle qui délivre ». Il écrit à l’un des collaborateurs de la revue Les temps Modernes « j’ai tout appris sur le vagin de votre patronne ». Puis il lance un appel à la jeunesse afin de s’engager résolument dans un « pieux » combat contre la pornographie et plus particulièrement celle des USA ».
Face à une telle entreprise de démolition, lancée depuis la proue d’un si grand écrivain ils sont peu nombreux à prendre sa défense : Francis Jeanson, Emmanuel Mounier, Jean Marie Domenach en sont, ce dernier réplique à Mauriac dans la revue Esprit : « Mme Simone de Beauvoir a donné avec ses courageux articles dans les Temps Modernes un cours de sexualité normale ». Puis il attaque directement François Mauriac dont il dit « que la fureur n’est due que par la mystification opérée par Simone de Beauvoir dans les régions souterraines de la sexualité où les romanciers s’approvisionnent ».
Les défenseurs ne sont pas légions, les insultes et qualificatifs les plus invraisemblables volent très bas : insatisfaite, glacée, nymphomane, lesbienne, cent fois avortée etc…
Pierre de Boisdeffre et Roger Nimier, dans la revue « Liberté de l’esprit » la traite de « pauvre fille, névrosée, refoulée, frustrée, une virago, mal baisée etc… »
Sur un ton moins insultant, Jean Guitton écrit tout de même avec une grande compassion chrétienne « qu’il a été péniblement affecté par le Deuxième Sexe, parce qu’il y déchiffre en filigrane sa triste vie ».
En fait on lui dénie surtout tout droit de parole au nom des femmes, parce que femme célibataire et sans enfant. Le thème de l’humiliation et de la frustration est récurrent. Armand Hoog écrit « humiliée d’être femme, douloureusement consciente d’être enfermée dans le regard des hommes dans sa condition, elle refuse à la fois ce regard et cette condition ».
La droite déteste ouvertement le livre et injurie l’auteur. Mais la gauche n’est pas en reste et ne la soutient pas. Jusqu’à Camus qui l’accuse d’avoir ridiculisé « le mâle français », lui qui ne concède à la femme que l’égalité dans la différence.
De même l’extrême gauche, dans les Lettres Française stigmatise l’ouvrage en insistant sur le fait que le Deuxième sexe fera bien rigoler les ouvrières de Boulogne-Billancourt ». Colette Audry sera la seule à répondre à cet article dans le journal Combat : « c’est estimer bien peu les ouvrières de Billancourt que d’écrire cela … » ripostera-t-elle sèchement.
Pour les maoïstes dit « non stalinien » le problème de la femme ne se posera plus une fois la Révolution accomplie, et ainsi tout est dit, les « digressions » de la citoyenne Beauvoir sont sans intérêt !
Le soutien le plus total et la réplique la plus claire vient du journal Paris Match qui lui consacre sept pages agrémentées de photos.
« une femme appelle les femmes à la liberté. Simone de Beauvoir, lieutenant de Jean–Paul Sartre et experte en existentialisme, est sans doute la première femme philosophe apparue dans l’histoire des hommes. Elle pose aux lectrices les problèmes qui caractérisent l’inquiétude de la femme moderne : la liberté de vivre, l’avortement, la prostitution, l’égalité des sexes, le mariage et le divorce, l’accouchement sans douleur … »
Paris Match conclut en martelant : « l’accession à l’égalité politique acquise depuis quatre ans justifie que soient traitées en termes modernes par une jeune philosophe froide et lucide l’éternelle question féminine. Elle veut changer le sort de la femme. »
Il est vrai que Simone de Beauvoir, dans un parallèle étonnant avec le Discours de la Méthode de René Descartes, propose une remise en question systématique de toutes les idées reçues sur la condition féminine.
Elle résume en quelques mots le sens de sa démarche : « je n’ai jamais nourri l’illusion de transformer la condition féminine, elle dépend de l’avenir du travail dans le monde, elle ne changera sérieusement qu’au prix d’un bouleversement de la production … du moins ai-je aidé mes contemporaines à prendre conscience d’elle-même et de leur situation ».
La parution du deuxième Sexe » en 1949 s’inscrit dans le même mouvement qui en 1907 par la loi autorise la femme mariée à disposer de son salaire, ce qui n’était pas le cas auparavant, puis en 1924 unifie les programmes du bac masculin et féminin, en 1946 reconnaît le droit de vote et d’éligibilité des femmes, il inscrit en 1941 le principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans la constitution de la IV ieme République. Hommage tardif fait à Olympe de Gouges qui voulut en 1789 la déclaration des Droits de la femme et mourut guillotinée.
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