A la veille de ses traditionnelles journées d’été à La Rochelle (les 29, 30 et 31 août), le Parti socialiste semble en difficulté selon les derniers sondages.
Les Français considèrent qu’il ne remplit pas son rôle de premier parti de l’opposition, ils ne distinguent pas quels sont les éléments programmatiques de son projet, ni ne voient de personnalités suffisamment qualifiées pour le diriger.
Certes d’autres sondages insistent sur l’avance qu’aurait Bertrand Delanoë sur tous ses concurrents pour la prochaine présidentielle.
Mais comme, bien souvent, dans les médias tout se mélange au gré des velléités des uns et des autres et des « humeurs » d’actualités… et l’on passe d’un sujet à l’autre sans l’approfondir, on mélange allègrement ce qui relève du programme politique, ce qui relève de l’action de s’opposer politiquement, mais aussi la problématique de préparation d’un congrès, le choix d’un dirigeant (le premier secrétaire) et celui du ou de la candidate à la prochaine présidentielle.
Et comme, au Parti socialiste, on s’essaye tout de même à un minimum de démocratie et de débat (ne lui enlevons pas cela au moins !), tous les ingrédients sont réunis pour que la presse fasse son miel de tout cela dans un joyeux désordre qui ne permet pas à « l’opinion publique » de se faire une juste idée des choses.
D’autant plus qu’en face Nicolas Sarkozy, dont le sens du débat et de la démocratie n’est pas le point le plus fort, dispose d’une force de frappe politique : le gouvernement, sa majorité parlementaire et l’UMP, tous d’une redoutable efficacité pour jeter le discrédit sur le Parti socialiste dans son ensemble.
Mais une telle situation est-elle faite pour durer ? Non je ne le crois pas. L’histoire et le passé nous enseignent qu’en politique tout peut changer à tout moment et que, surtout, tout change à un moment ou un autre.
Le Parti socialiste, de par sa nature, son mode de fonctionnement, ses habitudes ancillaires, a connu régulièrement de grandes crises sur son identité, ses alliances, sa confiance ou sa défiance à l’égard de ses dirigeants depuis toujours. Bien avant 1971, date du congrès d’Epinay, la SFIO (nom du Parti socialiste à l’époque) connaissait des turbulences. Guy Mollet était contesté par les « jeunes Turcs », les alliances avec les centristes aux municipales dans certaines villes avaient jeté le désarroi au sein des militants. A Epinay, François Mitterrand, à la tête d’une formation groupusculaire et l’appui d’un autre courant tout aussi groupusculaire (le CERES de Jean-Pierre Chevènement), réussissait à évincer Alain Savary et à se propulser à la tête du Parti socialiste.
Dès 1974 après l’échec de François Mitterrand de peu, face à Valéry Giscard d’Estaing, le Parti socialiste se reprenait à douter et une résistance fortement conflictuelle s’organisait autour de la personnalité de Michel Rocard. J’entends encore au congrès de Metz le fameux « Rocard D’Estaing » lancé à l’encontre de Michel Rocard par Gaston Defferre… et le discours de Mitterrand des Deux cultures pour mettre à bas la « deuxième gauche » qui pourtant avait nourri abondamment les troupes de militants du PS.
Les empoignades étaient autrement plus violentes du haut du parti jusque dans les plus petits recoins des sections locales. Cela n’a pas empêché, outre les victoires aux élections locales (municipales et départementales), celle de 1981.
Et je vous ai passé l’épisode de l’élection présidentielle de 1969 où Gaston Defferre portant les couleurs du PS connut la même mésaventure que Jospin en 2002 il fut éliminé au premier tour (à 5 % des voix !) laissant face à face Pompidou et Poher.
Il faut avoir la mémoire bien courte ou encore aucune culture politique ou historique pour ne pas lire et commenter l’actualité politique du PS à l’aune de ce passé-là.
Il faut donc relativiser les propos et les situations actuelles et se garder prudemment de tous ces jugements à l’emporte-pièce que l’on entend et lit de-ci et de-là.
Le Parti socialiste se cherche de nouveau un programme, des alliances, un chef et un candidat pour l’élection phare à la française, celle du président de la République.
Est-ce si désolant que cela ? Manque-t-il de biscuits pour élaborer un programme ? Est-ce vraiment un désert politique autour de lui ? Manque-t-il vraiment de caractères en son sein pour y choisir un chef ? N’y a-t-il aucune femme, aucun homme d’expériences qui puisse rivaliser avec le passé et les compétences d’un Nicolas Sarkozy ? Franchement…
Ainsi, dans l’ordre des choses, va-t-il s’exercer à la réflexion au sein de son université d’été (faite pour cela), tous les partis en disposent, on n’attend pas nécessairement la réponse à toutes les questions de fond, stratégique et de choix d’hommes et de femmes, cela n’est pas fait pour cela.
Précédemment, il a remis d’aplomb sa déclaration de principe en la votant à l’unanimité de tous ses courants.
Puis viendra le temps de son congrès qui a déjà bien commencé, de nombreuses contributions ont été déposées, soutenues par des tribunes libres dans la presse, elles se sont fait l’écho de la richesse des propos et de la diversité du Parti socialiste, est-ce pour autant un drame comme on l’a tant souligné… dans la presse ? Ces textes ont fait l’objet de réunions et de discussions dans les sections et entre les militants. Bientôt certaines de ces contributions vont « migrer » et se rassembler autour d’un nombre plus restreint de motions qui seront le véritable enjeu au congrès de Reims.
Déjà, à l’appel de Julien Dray, un certain nombre d’élus de sensibilités distinctes, ayant signés des contributions différentes, ont proposé que convergent plusieurs contributions en une seule motion.
Ce serait long et laborieux d’expliquer ici les subtilités des nombreuses sensibilités qui se sont manifestées. Mais, en clair, ces élus suggèrent qu’un socle commun existe entre les propositions de François Hollande, Ségolène Royale et Bertrand Delanoë pour ce qui concerne la seule question qui se présente pour le Congrès : les idées et le programme.
Se profilerait probablement une alternative à ce regroupement (encore hypothétique, Bertrand Delanoë n’ayant pas encore fait ses choix… stratégiques) autour de Martine Aubry, le maire de Lille, ancienne ministre du Travail et « mère » des 35 heures avec les amis de Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn. Il resterait encore sans doute un pôle un peu plus à gauche avec des personnalités comme Henry Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Hamon… Mais rien de déterminant à cette date.
Est-ce que ce travail-là est si honteux comme le laisserait entendre une certaine presse, la Droite ou une base de la gauche impatiente et insatisfaite ?
Je réponds non, franchement non, tout cela répond à la nécessaire « maturation » des idées et des axes stratégiques.
Ainsi, donc pour mener à bien ce rassemblement et cette majorité qui sortira nécessairement à l’automne du congrès de Reims, il faut un chef. Ils sont plusieurs à s’être déclarés, ils sont même nombreux si l’on prend en compte ceux qui se sont « à moitié » déclarés par prudence, histoire de peser dans le débat et les négociations.
Petit tour d’horizon sur les nécessités premières qui attendent le Parti socialiste et son futur dirigeant :
- le constat : la gauche est en difficulté, elle traverse une véritable épreuve de légitimité, elle ne convainc pas, elle n’est pas regroupée ;
- le Parti socialiste reste, à la mesure du nombre de ses élus, la première force politique à gauche pour un rassemblement, il doit être uni, fort et rassemblé autour de sa direction ;
- pour autant, cet effort de rassemblement doit se faire dans un climat de « renouvellement » avec une équipe crédible ayant de l’expérience, assurant le passé et la continuité du PS, tout en lui donnant un souffle nouveau à la mesure des enjeux actuels nationaux et internationaux ;
- le PS doit être en mesure de passer un « contrat de gouvernement » avec l’ensemble des forces de gauche qui seront prêtes à en discuter avec lui afin de gagner ce qui est essentiel : la bataille des idées ;
- enfin, pour incarner cela et le mettre en mouvement, il faut un premier secrétaire dont le passé, les qualités, le statut d’élus lui confèrent cette légitimité ;
- enfin, le problème de l’élection présidentielle viendra quand toutes ces étapes seront passées.
Pour diriger le Parti socialiste à l’issue du congrès de Reims et pour que tout se passe bien, et que la bataille mère des élections, la présidentielle, se passe bien, ni Ségolène Royale ni Bertrand Delanoë ne peuvent assumer cette tâche.
Pour ma part, parmi les noms qui circulent, celui de Julien Dray émerge nettement pour les raisons suivantes :
Il n’est à la fois ni un « éléphant du PS » dont visiblement l’opinion s’est lassée, pour autant il a l’expérience pour lui.
Né en 1955 (à Oran), il incarne cette nouvelle génération « attendue » aux affaires et à la direction du PS et avec laquelle le président Sarkozy a su jouer avec beaucoup d’habilité.
Ce n’est pas un énarque et je crois que la France a suffisamment fait l’expérience des énarques pour passer à autre chose (ce qu’elle a d’ailleurs fait avec Nicolas Sarkozy), il est titulaire d’une licence d’histoire et géographie et d’un DEA de sciences économiques.
C’est un militant engagé depuis son plus jeune âge puisqu’on le trouve déjà à la tête des manifestations contre la loi Debré en 1973 (loi qui prévoyait la suppression des sursis longs au service militaire). Il se rapproche (comme beaucoup de dirigeants actuels du PS) de la Ligue communiste d’Alain Krivine.
En 1977, à l’université il poursuit son engagement politique par un engagement syndical en prenant la tête du MAS (Mouvement d’action syndical) qui participe à la création du principal syndicat étudiant aujourd’hui : l’UNEF-ID dont il devient le vice-président.
C’est à l’automne 1981, dans la foulée de la victoire des socialistes menée par François Mitterrand qu’il quitte la Ligue communiste pour rejoindre le PS.
Puis en 1984, tout en achevant ses études, il entreprend un tout autre combat, celui du racisme en créant avec Harlem Désir SOS Racisme. Il en sera le vice-président de 1984 à 1988.
A partir de 1988, il crée un nouveau courant au PS : « la Gauche socialiste » avec Jean-Luc Mélenchon qui soutiendra bruyamment le mouvement lycéen en 1990 contre le gouvernement Jospin. Ce qui lui vaudra une rancune tenace de celui-ci à son égard.
Je passe sur les différents déboires de la « Gauche socialiste » qui résume assez bien la capacité du PS à se prendre les pieds dans le tapis à pousser trop loin et trop vite la réflexion.
Il devient tout de même le porte-parole du PS en 2003, prend le parti de Ségolène Royal pour la présidentielle et devient même l’un de ses porte-parole.
Il a été élu député pour la première fois le 13 juin 1988 dans la 10e circonscription de l’Essonne et toujours réélu depuis (en 1993, en 1997, en 2002 et 2007).
En 1988, élu aux élections régionales d’Île-de-France, il en devient l’un des vice-présidents.
Certes, il n’est pas le seul à pouvoir faire valoir ces titres-là. Mais il y a tout de même une singularité dans son parcours. Proche de la jeunesse, il a aussi contribué à la création de mouvements comme la FIDL (Syndicat lycéen), mais aussi l’association pour l’égalité des droits dans les quartiers en difficulté Ni putes ni soumises. Pour autant, il s’est spécialisé au PS dans les questions de sécurité.
Enfin c’est un élu issu de la banlieue.
Son parcours démontre la qualité et la solidité de son engagement, ses grandes capacités d’organisateur, ses différentes fonctions de porte-parole en ont fait l’un des cadres du Parti socialiste les plus en vues dans les médias. Il a l’habileté et la dextérité des interviews en direct.
S’il était porté à la tête du secrétariat du PS à l’issue du congrès de Reims, il possède les atouts pour réveiller un PS mal en point, et surtout le « propulser » dans ce nouveau siècle, « l’actualiser » pour le placer à hauteur des enjeux nouveaux que posent la mondialisation, les problèmes énergétiques et environnementaux.
L’avenir nous dira très vite de ce qu’il en ira…
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