Cela fait plusieurs mois que circulent des informations plus alarmistes les unes des autres, on voit ici et là des mouvements de grèves et des pétitions qui circulent. On a plus récemment parlé de la situation de la pédiatrie et plus particulièrement du sort fait aux équipes médicales de l’hôpital Trousseau.
L’idée générale est de passer de 38 hôpitaux actuellement, à 13 groupes hospitaliers. Le déficit de l’AP-HP est tel qu’il faut sans doute trouver des solutions qui passent par une meilleure rationalité des « plateaux techniques » de plus en plus chers. Mais comment conduire une telle « révolution » dans le droit fil du projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » sans le minimum de concertation nécessaire ? Or la méthode retenue est celle de l’autoritarisme et la politique du fait accompli. Il s’agit en fait de demander à l’AP-HP d’augmenter son activité tout en réduisant ses effectifs.
Ce mouvement s’est déjà largement mis en mouvement pour ce qui concerne le suivi (et indirectement le dépistage) des patients atteints par le VIH. C’est une politique de réduction et de déplacement drastique des effectifs qui a été déjà engagée et qui menace de se poursuivre. Ceci au risque de déstabiliser les équipes médicales et soignantes et de désorienter les patients.
Ce n’est pas faire preuve de « gauchisme » que de dénoncer la politique engagée par la direction générale de l’AP-HP, comme une politique de logique exclusivement économique et peu soucieuse de la santé des patients et d’une manière plus générale de la santé publique.
Les différents collectifs et association de patients séropositifs se font l’écho de la réorganisation de l’ensemble des services ayant la charge des personnes vivant avec le VIH. Le tout dans un contexte où est annoncé clairement la suppression de 4000 postes à l’horizon 2012, c’est-à-dire demain matin.
Pour illustrer le propos deux citations, celle de Jean-Yves Fagon Directeur de la politique médicale à l’AP-HP et la réponse que lui a faite Bruno Spire, Président de AIDES :
« Nous avons un très beau projet. Avec un gros service d’urgence, et un grand centre de prise en charge du VIH où seront regroupés les services qui le traitaient à Cochin, à Pompidou. C’est vrai qu’il n’y aura pas d’hospitalisation conventionnelle sur le VIH à l’Hôtel-Dieu. On a besoin d’une vingtaine de lits, eh bien, il faut que les équipes se mettent d’accord pour les implanter à Cochin ou à Pompidou… Quant au reste, on ne fera plus de chirurgie ambulatoire à l’Hôtel-Dieu, les locaux ne s’y prêtant pas. Et grâce à l’aide de fonds privés, on va ouvrir un pôle de santé publique. »
Jean-Yves Fagon, directeur de la politique médicale à l’AP-HP :
« Les personnes vivant avec le VIH ne devront pas être la variable d’ajustement des politiques de réorganisation hospitalière. Bruno Spire, président de Aides, la principale association de lutte contre le sida, réaffirme que toute forme de restructuration profonde de la prise en charge ne peut être envisagée qu’en accord et dans l’intérêt des malades, pas dans leur dos. La continuité d’une prise en charge globale de qualité et d’une offre de soin adaptée aux besoins des personnes séropositives sont les conditions minimales de toute réforme, qui doit associer la voix associative aux visées stratégiques actuellement en train de se préparer à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris ».
500 patients on été expulsés de l’hôpital Saint Joseph sans la moindre concertation, 800 autres de Necker se sont retrouvés et transférés de fait à l’Hôtel-Dieu. La rumeur circule que les 1700 patients VIH de Cochin devraient les rejoindre de même.
A Georges Pompidou la même information a circulé, suite à un RV auquel j’ai personnellement participé au titre du collectif de Patients Citoyen la Directrice a reconnu que le projet avait été envisagé, mais que pour des raisons techniques, liées à l’Hôtel -Dieu, le projet était repoussé à 2014.
On évoque de même Tenon et Henri Mondor, en fait la Direction générale de l’AP-HP s’apprête à regrouper l’ensemble des services et des patients VIH sur un site unique l’Hôtel-Dieu, ce qui représente à termes 5200 patients !
Mais le pire, et qui m’a été confirmé de vive voix par la directrice de Georges Pompidou c’est que ce « Méga » service ne pratiquerait plus que la médecine ambulatoire, en clair à ce service ne serait plus associé aucun lit d’hospitalisation.
Par ailleurs comment s’étonner que dans les milieux concernés on parle désormais de « Sidatorium » alors que l’hypothèse de fermer pour cause de grave vétusté l’Hôtel-Dieu a été évoqué, et que l’hospitalisation est inenvisageable sans des travaux gigantesques.
Bref aussi incroyable que cela apparaisse c’est bien l’idée dune « usine à consultation » dans des locaux vétustes qui prend corps.
Cette approche dite désormais ambulatoire du VIH, sous prétexte que les patients ne meurent plus par milliers est gravissime et injustifié d’un point de vue médical et scientifique.
L’exemplarité du service d’immunologie de l’Hôpital Georges Pompidou dirigé par le professeur Laurence Weiss (et crée par le professeur Michel Kazatckine qui a écrit ce livre bouleversant sur son expérience : « la consultation du soir » aux éditions de la Renaissance) est éclairante sur le meilleur chemin pour suivre et accompagner les patient : équipe pluridisciplinaires au sein du service : médecins infectiologues, psychologues, diététiciens, sexologues, ophtalmologues, gynécologue, dermatologue… mais aussi infirmières, assistantes sociales et permanence d’un pharmacien durant la consultation du soir.
Car si l’on ne meurt plus autant, les complications dans l’évolution de la maladie et les effets secondaires des traitements sont nombreuses : osseuse, cancéreuse, cardiovasculaires, hépatiques, pancréatiques, neurologiques, dermatologiques etc…
Certes l’allongement de la vie des patients atteints pas le VIH est patent, mais en même temps les soins deviennent plus complexes et fréquents, et les situations médicales compliquées à déchiffrer se multiplient, les diagnostics sont complexes et nécessitent la mutualisation de toutes les spécialités médicales.
Le devenir des patients séropositifs à long termes est encore une inconnue et nécessite donc un dispositif particulièrement attentif à l’ensemble des ces complications, auxquelles s’ajoute le constat, avec le recul d’une quinzaine d’années, que ces patients sont victimes d’un vieillissement prématuré.
L’hospitalisation à proximité du service est vitale dans le suivi et la sécurité des patients. J’emploie à dessin le mot sécurité, car ce que nous prépare la Direction générale de l’AP-HP n’est ni plus ni moins que la mise en danger de l’ensemble des patients séropositifs de Paris.
Ces risques sont réels et non pas présupposés, le témoignage des patients de l’hôpital Saint Joseph « expulsés » corroborent malheureusement les inquiétudes exprimées : à savoir un nomadisme forcé entrainant des ruptures de soins.
C’est incroyable alors que l’organisation du suivi des soins des patients VIH trouvait son équilibre avec des conséquences tangibles sur la qualité de vie de ceux-ci on n’hésite pas pour des économies à court termes de les mettre en danger, ainsi qu’une certaine politique de la santé publique, et bien évidemment de générer à moyen termes des coûts supplémentaires pour l’assurance maladie qui annihileront très vite ces économies de la première heure.
Il n’y a ni concertation, ni négociation, ni mise en perspective d’une politique à la fois réaliste et intelligemment conduite dans le temps.
On a livré la santé publique et les patients concernés à une équipe d’agents comptables. Attention aux retombées, je prends le pari qu’elles seront terribles, c’est une forme de « Moyen Age » de la santé publique qui se trame actuellement.
Seule la mobilisation (déjà en cours) des médecins, des personnels soignants et des collectifs de patients pourra y faire obstacle.
On se prend une Trump les bras croisés ?
Il y a 1 semaine
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